Je suis chrétienne et j’ai été maman avant d’être mariée. Ecrire ces mots que j’ai aussi longtemps gardé pour moi ne va pas être d’une grande simplicité mais bon, je vais jouer le jeu. J’ai appris que j’étais enceinte mi-janvier 2018, après un retard de règles qui ne m’était jamais arrivé. Mon mari (copain à l’époque) était présent, sa réaction lorsque le test s’est révélé positif (en moins de 3 secondes) : un grand sourire et de la joie. Quant à moi, une vraie fontaine submergée par des tas d’émotions toutes négatives.
Mauvais timing pour être enceinte
Ce n’était pas le moment, je ne pouvais pas être enceinte. Je voulais des enfants bien sûr, mais après avoir réglé certaines blessures. J’avais une confiance en moi équivalente à 0, être mère était encore une peur. J’avais peur de reproduire ce que j’avais vécu en étant enfant. Peur d’être une mauvaise mère, sans patience, violente physiquement et verbalement.
Ensuite, j’ai pensé à l’église, à ma vie chrétienne. Impossible d’être enceinte, mon copain et moi allions être virés… Je me suis alors posé la question de l’avortement, par pression (eh oui, avoir des rapports sexuels avant le mariage c’est très mal quand on a une vie chrétienne…). Il était inconcevable pour mon copain que j’avorte. Il ne me restait plus qu’à l’annoncer… Nos parents et nos amis proches ont bien pris la nouvelle, je pourrais même dire qu’ils étaient contents. En ce qui concerne les pasteurs, la réponse a été sans appel :
«C’est fait, c’est fait, il n’y a plus qu’à vite vous marier ».
Avec mon copain nous avions prévus de nous marier en septembre 2018 avant de savoir que nous allions devenir parents. Mais nous avons écouté les pasteurs et avons avancé le mariage en mars 2018. A partir de ce moment mon état psychologique n’a fait qu’empirer.
Membres d’une communauté chrétienne et pourtant seuls face aux difficultés
Nous n’avons eu que très peu de soutien de la part de “la communauté chrétienne”. Beaucoup de choses ont été dites dans notre dos (des paroles que nous avons fini par découvrir plus tard).
C’était « une honte »; notre « enfant est illégitime »; je suis tombée enceinte pour coincer mon copain; Il a d’autres enfants cachés; on arrivera jamais à prendre soin de notre enfant, à subvenir à ses besoins; nous ne sommes pas un vrai couple; on devrait avoir honte de venir souriants à l’église; il va partir car il n’est pas mature; et j’en passe..
Tu mixes toutes ses paroles négatives et accusatrices aux hormones pétaradantes, je te laisse imaginer ce que ça donne.
Mars 2018, le mariage pour légitimer ma grossesse
Un mariage organisé en peu de temps, un mariage qui n’était pas le mien, un mariage que je n’ai pas aimé. Je suis heureuse d’être mariée avec l’homme de ma vie mais pas dans ces conditions ! Ma robe n’était pas finie, la décoration ne nous correspondait pas et le repas était digne d’un anniversaire (selon moi). Nous n’avons pas eu droit à une cérémonie religieuse, chose qui comptait énormément pour nous. Les pasteurs avaient décidés que nous marier devant Dieu alors que j’attendais un enfant c’était montrer le mauvais exemple. J’ai très mal vécu mon mariage qui était censé être l’un des plus beaux jours. Mais on l’a fait, vite, comme demandé.
Je me suis par la suite mise dans une carapace de culpabilité. J’avais honte pour Dieu, honte pour l’église. Je me sentais coupable vis-à-vis de mon enfant d’être dans une situation pareille, de lui infliger ce qu’il n’avait pas choisi. Tellement coupable que j’ai délaissé mon mari. Il a dû me voir dépérir petit à petit sans rien pouvoir faire. J’étais aussi en colère parce que les réactions des chrétiens étaient violentes. Et en étant moi-même chrétienne, c’était à l’opposé de ce qu’on nous prêchait les dimanches matins. Les méchancetés des gens n’en finissaient pas. J’étais tellement stressée que j’ai été malade jusqu’à 7 mois de grossesse, à vomir jour après jour…
Loin de l’Eglise pour aller mieux
Je vous ai fait un gros résumé car l’année 2018 a été pour nous la pire année. Malgré le bonheur que sont censés apporter un bébé et un mariage. Mon mari face à la violence de notre communauté a littéralement perdu la foi : des chrétiens prônant l’amour nous laminaient. J’ai moi aussi pris du recul avec l’Eglise par besoin de reconstruction. 3 ans après, la confiance en l’Église maintenue par des hommes/femmes avec des réflexions d’hommes/femmes est toujours brisée et a du mal à revenir. Mais je ne sais pas de quoi est fait demain et je ne sais pas si nous y retournerons un jour.
La réaction des pasteurs peut être légitime, je peux la comprendre. Il y a un côté protecteur. Mais elle reste cependant très « à l’ancienne » limite sectaire (de mon point de vue). En faire un sujet tabou alors que le sexe lui même a été créé par Dieu risque de mener à des dérives de pensées malsaines pour nos jeunes (culpabilité, jugement, sexe = sale/reproduction etc.)
Est-ce que malgré tout ce qu’il s’est passé Dieu a encore une place dans nos vies ? Dans celle de mon mari, selon ses dires non. Dans la mienne, il aura toujours sa place. Ce qui s’est passé n’est pas la faute de Dieu mais bien celle des hommes !
Nous sommes épanouis
Ma fille aura bientôt 2 ans, elle est en bonne santé, joyeuse, épanouie et elle ne manque de rien. Mon couple a dû traverser toutes ces péripéties, en plus de celles qu’un couple doit déjà traverser. Cela a été dur, nous nous sommes fait violence pour passer au-dessus de tout ça, nous avons des séquelles mais nous sommes toujours fous amoureux. Mon mari se donne tous les moyens pour que notre fille ne manque de rien (heures supplémentaires à gogo), c’est un papa aimant, rigolo, et protecteur.
Et moi, je ne suis pas la mère parfaite, il m’arrive d’être fatiguée et de crier. Mais je me surprends à être d’une patience que je n’aurai jamais soupçonné, d’une bienveillance que je ne me connaissais pas et d’un amour débordant. J’ai pris beaucoup de recul, je culpabilise encore parfois d’avoir laissé le jugement d’autrui me voler ma plus belle année. Mais j’apprends jour après jour à ne prendre en compte que les remarques constructives. Je m’entoure de personnes positives et je ne mets plus la pression de « il ne faut pas faire ci, il ne faut pas faire ça ».
Est-ce que j’en veux toujours aux personnes qui m’ont blessé durant cette période ? Oui et non. Je ne comprends toujours pas qu’une telle méchanceté ait été présente et qu’il n’y ait pas eu de remise en question concrète, ni d’excuses. Mais je passe au dessus de ça, je suis le bouclier de ma fille, si j’accepte ces méchancetés dans ma vie, elles vont venir ronger celle de ma fille et ça c’est hors de question !
Pour toi qui serait dans une situation similaire à la mienne, c’est à dire enceinte hors mariage (chrétienne ou pas) :
Je ne leur dirai surtout pas que c’est une erreur ! C’est une situation à double tranchant dont on connaît les tenants et aboutissants, on en connaissait les risques. Nous ne sommes pas bêtes, on sait comment sont fait les bébés et comment éviter une grossesse. C’est un jeu risqué dont on connaît les règles ! C’est un peu kitch mais « seul Dieu me juge » est en soit une réalité. Je ne pense pas que Dieu t’abandonne, te lapide parce que tu es tombée enceinte hors mariage, il t’accompagne comme un parent. Et c’est pour moi la leçon à retenir !
Dans le même registre, je t’invite à lire le témoignage “Enceinte hors mariage” . Une autre jeune maman raconte comment l’arrivée de son bébé a accéléré les choses dans sa relation de couple; et en quoi l’arrivée de sa fille a mis l’accent sur l’absence de sa mère à elle. Elle n’est pas chrétienne mais sa foi en Dieu est sa plus grande force.
2 Commentaires
Bonjour… j’ai ete tres emue et reconfortante en lisant ces paragraphes, c’est bien ma vie actuelle et c’est beaucoup trop compliqué pour moi en ce moment car j’ai tout le monde sur mon dos, mes parents, les amis de mes parents, mes amis proches, mon Eglise et tout. Mon Copain pense que je ne peut pas décidé car j’ai mes parents qui me disent quoi faire, je suis majeur , 25 ans d’age. Je suis désespérée, j’ai peur de prendre une décision qui sera ma sentence. J’ai besoin de conseils et merci de partager ces lignes avec moi, après l’avoir lu je suis réconfortée
Bonjour Néhémie, merci d’avoir pris la peine de partager ton histoire avec moi. Je comprends que tu te sentes démunie et seule. Mais fais toi confiance. La grossesse est tellement bouleversante que tu n’as pas besoin de la pression extérieure (même si ce sont tes proches). Tu peux m’envoyer un message sur Instagram ou même un mail pour qu’on puisse discuter plus facilement. Ne reste pas seule dans cette situation là.
Au plaisir d’avoir de tes nouvelles