Je suis maman et je suis noire

Ce n’est un secret pour personne : ma fille et moi sommes noires ! Pas black, pas marron ni personnes de couleur mais noires. Je tiens à faire cette précision d’entrée car beaucoup de personnes pensent à tord que dire “noire” est péjoratif. Pourtant c’est ce que je suis, c’est ma couleur de peau et mon Dieu qu’est ce que je l’aime !

J’ai pris conscience de ma couleur de peau quand je suis arrivée en France

Je suis née au Cameroun et j’y ai vécu jusqu’à mes 13 ans. Jusque là je n’avais jamais fais attention au fait que j’étais noire, il n’y avait rien de plus normal pour moi. Mon arrivée en France a donc été plutôt rude dans ce sens là. Au fil du temps, j’ai découvert que ma couleur peau et mes origines donnaient lieu à des questions et/ou remarques gênantes : “est-ce qu’il y a de l’eau au Cameroun ?” “tu es civilisée pour une noire” “si vous gardez vos cheveux afro détachés vous ne pouvez pas avoir le poste”… pour ne citer que ces remarques.

Pour aller plus loin, ma couleur de peau me donne le droit de travailler deux fois plus que les autres. Puisque pour beaucoup, parce que je suis noire, je suis moins intelligente, moins ambitieuse, moins méritante. Oui, aujourd’hui encore, la couleur de peau détermine ta destinée. Alors je dois lutter contre ça et prouver que je suis bien plus que de la mélanine.

J’ai appris à répondre à ce genre de remarques, je me suis armée contre toutes les attaques à l’encontre de qui je suis. Par contre, je n’avais pas encore pensé à la maternité en tant que femme noire dans un pays de blancs. Jusqu’à ce que je lise le livre Maman noire et invisible de Diariatou Kebe.

Ma grossesse en tant que noire

Comme le souligne très bien Diariatou Kebe dans son livre, il est très difficile, voir impossible, pour une femme noire de trouver des conseils et astuces pour mieux vivre sa grossesse ou sa maternité. Pourtant nous avons des problématiques différentes. Nous pouvons difficilement nous identifier ou trouver comment s’y prendre. Par exemple, notre peau a besoin de plus d’hydratation qu’à l’accoutumée, nos cheveux aussi. Certaines d’entres-nous ont une hyper salivation. Durant ma grossesse je n’ai trouvé aucun article qui traitait du sujet. Je n’ai pas pensé à écrire sur Google “femme noire enceinte” parce que je n’imaginais pas que ce genre d’articles puissent exister.

De plus en plus de femmes noires abordent le sujet de la grossesse et de la maternité. Je vous invite à lire 7 choses auxquelles une femme noire enceinte doit absolument se préparer, du blog Chronique Beauté Noire.  Malgré cela, c’est encore peu selon moi. C’est à nous, femmes noires, de nous mobiliser pour faire entendre nos voix. Il en va de notre responsabilité. On peut toujours se plaindre de ne pas être prises en compte, ou nous pouvons prendre des initiatives. C’est pourquoi je vous encourage à partager vos expériences, vos astuces, vos conseils. J’ai d’ailleurs écris l’article Peau noire, quels gestes pendant la grossesses.

Je suis noire et française

Au-delà de la grossesse, il y a la maternité. Qu’est ce que je vais inculquer à mon enfant comme valeur en cohérence avec nos origines et quelle éducation vais-je lui donner ? Comment je vais introduire le fait que sa couleur de peau va poser problème à certaines personnes ? Comment vais-je m’y prendre pour lui faire aimer ses cheveux crépus ? De quelle façon lui faire comprendre qu’elle sera considérée comme une étrangère en France et au Cameroun ? Et surtout comment je vais m’y prendre pour lui communiquer mon amour pour la France et le Cameroun ?

Autant de questions qui se bousculent dans ma tête. Je me souviens du jour où ma mère m’a fait asseoir pour me dire :

Ma fille ne te compare pas à tes copines, vous n’êtes pas pareils ! Nous les noires nous devons faire deux fois plus que les autres pour être mis au même pied d’égalité que les blancs. Si ta copine blanche et toi postulez au même poste, pour que le choix se porte sur toi, tu devras faire tes preuves deux fois plus qu’elle”.

Je me souviens d’avoir été en colère contre elle, mais pourquoi me disait-elle ce genre de choses ? Comment pouvait-elle penser comme ça ? Je veux dire nous étions en France, en 2009, ce fonctionnement au faciès (et raciste qui plus est) n’existait plus … C’est ce que je croyais !

Ma princesse, ta couleur de peau ne définit pas ce que tu es capable de faire ou pas, ni tes idées, ni tes croyances, ni ton avenir, ni qui tu es !

J’attendrais qu’elle soit en âge de comprendre pour lui expliquer qu’elle est noire et qu’elle doit en être fière. Je lui dirai qu’elle est noire, d’origine camerounaise et de nationalité française. Elle n’est pas belle pour une noire, mais elle est belle tout court. Qu’elle est issue de deux cultures. Que ses cheveux sont crépues et magnifiques, personne n’a le droit de lui dire le contraire. Elle n’est pas moins noire qu’une autre parce qu’elle n’a pas la couleur ébène ou parce qu’elle a grandit en Europe. Des hommes et des femmes noires ont réussis et réussissent encore, sa couleur de peau ne doit pas être un frein dans sa vie. J’aurais la fameuse conversation avec elle, je lui dirai la même chose que ma mère quelques années auparavant, elle ne comprendra peut être pas, mais ça l’aidera un jour ou l’autre.

Je n’oublierai pas non plus de lui dire qu’elle aura du mal à trouver sa place. En France, où elle sera considérée comme une camerounaise, on lui demandera d’où elle vient, quelles sont ses origines. Au Cameroun, où on la considérera comme une française, on lui demandera aussi d’où elle vient, où est-ce qu’elle a grandit. Son comportement, sa façon de parler, ses valeurs, sa vision de la vie sera empreinte de la culture européenne.

Petite anecdote

La 1 ère fois que ma mère est rentrée au Cameroun, après près de 10 ans passés en France, elle pensait que parler à la camerounaise suffirait à la fondre dans la masse. Faux ! Il a suffit qu’elle monte dans un taxi et mette sa ceinture de sécurité pour que le chauffeur lui demande d’où elle venait. Tout simplement parce que chez nous, au Cameroun, ça ne fait pas partie de nos habitudes. On a tout de suite compris qu’elle ne vivait pas là bas.

Elle n’aura pas à choisir !

 Je m’assurerai qu’elle tire le meilleur des deux cultures, parce qu’elle n’aura pas à choisir. Elle est camerounaise de par ses parents, sa famille, son éducation, ses racines. Je lui apprendrais l’histoire de notre pays, je lui ferai découvrir ses beaux paysages et sa culture. Elle est aussi française, c’est ici qu’elle est née et qu’elle grandira (peut être). Elle connaîtra son histoire et s’imprégnera de sa culture. Je lui raconterai le bonheur que ce pays m’a procuré, et comment il a fait de moi celle que je suis aujourd’hui. Ce mélange de cultures sera sa force, j’y veillerai !

La vérité c’est que la France m’a (pratiquement) tout donné, et m’a beaucoup appris.  Je suis arrivée en France quand j’avais tout juste 13 ans, la culture camerounaise déjà bien ancrée, et des souvenirs pleins la tête. C’est en France que j’ai appris à me connaître, que je suis devenue une femme et que j’ai trouvé ma voie. C’est ici que j’ai rencontré Dieu. La France m’a redonné ma mère, qui y vivait depuis plusieurs années déjà, loin de moi. La France m’a donné la possibilité de continuer mes études alors que j’étais enceinte puis alors que j’étais maman sans revenu. C’est mon pays et je l’aime !  Je n’ai pas à choisir entre la France et le Cameroun, parce que je viens des deux pays.

L’amour que j’ai pour le Cameroun est indescriptible et ne cessera jamais. Mais en même temps, cet amour est basé sur des souvenirs d’un enfant de 13 ans et je n’y suis pas retournée depuis. C’est ce qui me reste de mon enfance, ça fait partie de moi. Qui sait si je m’y sentirai toujours aussi bien lorsque j’y retournerai ? Alors voila, ma fille et moi sommes noires d’origine camerounaise et de nationalité française, et nous sommes issues de deux cultures.